Le président du pouvoir judiciaire Abdoulaye Yaya vendredi dernier a annoncé la suspension de toutes décisions judiciaires portant expulsion forcée et massive, démolition d’immeubles et tout déguerpissement massif des populations. Abdoulaye Yaya explique sa démarche par la nécessité d’œuvrer pour la cohésion et le vivre ensemble des togolais. Il entend ainsi mettre fin aux dérives dans l’exécution des décisions de justice en matière foncière.
C’est une décision qui permettra à de nombreux togolais de pousser un ouf de soulagement, tant dans le grand Lomé que dans plusieurs localités à travers le pays. D’honnêtes togolais qui ont acquis des lopins de terre pour construire leurs habitations sont contraints par des décisions incompréhensibles de justice de déguerpir ou de payer à plusieurs reprises.
On a assisté ainsi à des démolitions de maisons, des expulsions des populations de plusieurs localités avec le concours de la force publique ou des gros bras sollicités par de véreux huissiers de justice. Cette saga prend finalement fin ou plutôt prend fin provisoirement.
« Face aux dérives dans l’exécution des décisions de justice en matière foncière par certains acteurs de justice en l’occurrence les huissiers de justice sur décision des juges assistés de la force publique ou par des individus peu recommandables appelés communément des gros bras et qui créent des désarrois au sein des populations », a annoncé Abdoulaye Yaya sur le plateau de la Télévision nationale.
M. Abdoulaye Yaya fonde sa démarche sur les articles 682 et suivants de la loi n°2018-05 du 14 juin 2018 portant Code foncier et domanial. Ce texte stipule : « L’exécution des décisions de justice : arrêts de la Cour suprême, de la Chambre d’annulation, des Cours d’appel et des jugements des tribunaux en matière foncière devenus définitifs et ordonnant l’expulsion forcée ou démolition, d’une ou plusieurs habitations est désormais soumise à des prescriptions strictes ».
« Pour ce faire, j’en appelle au respect scrupuleux des dispositions pertinentes de la loi ci-dessus évoquée notamment en ses articles 695 et 701. En conséquence, pour compter de cette annonce, toute expulsion forcée et massive, toute démolition d’immeubles quelles que soient leurs envergures et tout déguerpissement massif des populations ordonnés par décision de justice sont suspendus jusqu’à nouvel ordre », a déclaré Abdoulaye Yaya
Le président du Conseil supérieur de la magistrature précise que cette annonce concerne les deux ressorts de Cour d’appel du pays, entendu toute l’étendue du territoire togolais.
Par ailleurs, le patron du pouvoir judiciaire engage les départements ministériels en charge des auxiliaires de justice, les officiers de police, les gendarmes judiciaires et autres agents à suspendre toute assistance requise afférente aux suspensions ci-dessus visées.
Abdoulaye Yaya avertit que tout individu ou groupe d’individus surpris en train d’entraver ou constituant entrave aux suspensions en question seront poursuivis pour vandalisme, destruction volontaire et autres.
Dans ce sens, il demande aux responsables des structures étatiques impliquées dans la gestion du foncier à œuvrer pour la cohésion et le vivre ensemble des populations togolaises.
Le président de la Cour suprême ne veut plus voir la justice togolais inféodée à quelle que pesanteur que ce soit. « Nous voulons une justice protectrice de la victime et véritablement l’épouvantail du délinquant », a-t-il dit soulignant que la justice doit être libre, accessible et gratuite pour tous les togolais.
Abdoulaye Yaya entend ainsi mettre fin à la confusion à l’exercice de la justice par le magistrat togolais, notamment en matière foncière.
« Notre justice doit uniquement faire peur au délinquant. Pas à celui qui peut s’en prévaloir pour préserver ses droits ou alors qu’on répare le préjudice ou le mal qu’on lui a fait ou qu’il a subi. Notre justice doit rassurer dorénavant le vulnérable et soulager l’éprouvé », a déclaré M. Yaya pour qui « le règne de l’argent, de la forfaiture, de l’abus de pouvoir et d’autorité doit prendre fin ».
Avant cette annonce du président du Conseil supérieur de la magistrature, le ministre de la justice, Pius Agbetomey avait fait une interpellation pareille à l’endroit des magistrats. Le garde des sceaux dénonçait le fait que certains présidents des tribunaux de première instance et des cours d’appel signent des ordonnances à pied de requête portant cessation de travaux, ouverture de porte ou même expulsion, « contre personne(s) non dénommée(s) ».
Au Togo, les litiges fonciers ont pignon sur rue. Ils représentent environ 80% des affaires pendantes devant les juridictions.